L'urbanisation sous les tropiques peut accélérer le mouvement de grands glissements de terrain

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Dans une étude parue dans Nature Geoscience le 5 décembre 2022, des chercheurs du Musée royal de l’Afrique centrale, en collaboration avec des partenaires africains, nord-américains et européens, démontrent comment plus de 70 années de croissance urbaine ont modifié le mouvement d'un glissement de terrain désormais peuplé de 80 000 habitants, à Bukavu, dans l'est de la RD Congo.

2022-12-05

Urbanisation et aléas naturels

Les activités humaines transforment les paysages à un rythme et à une échelle sans précédent. Ces mutations sont particulièrement prononcés sous les tropiques, où des changements démographiques et économiques majeurs entraînent des taux d'urbanisation sans précédent. Dans de nombreuses régions d'Afrique et d'Asie, par exemple, de jeunes centres urbains s'étendent de manière informelle sans tenir compte des contraintes naturelles de l'environnement, et en augmentant de manière drastique la population exposée aux aléas naturels.

Des dizaines de vies humaines sont perdues chaque année sur des pentes urbanisées en raison de la survenue de glissements de terrain de petite taille, mais extrêmement soudains qui peuvent anéantir des maisons en quelques secondes. A côté de ceux-ci, des glissements de terrain plus lents mais bien souvent beaucoup plus étendus - parfois d'une superficie de plusieurs kilomètres carrés - peuvent également survenir. Ces derniers peuvent engendrer des contraintes permanentes sur plusieurs décennies, en provoquant la destruction progressive de maisons et d'infrastructures dans des quartiers entiers. Ces grands glissements de terrain présentent généralement un mouvement caractérisé par une succession de périodes de dormance relative et d'accélération en réponse à des perturbations naturelles (par exemple, des précipitations saisonnières, des sécheresses ou des tremblements de terre). En pratique, on observe souvent des vitesses de mouvement plus élevées (de quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres par an) pendant les saisons humides et un arrêt complet ou partiel pendant les mois plus secs. Cependant, nos connaissances sur le comportement de ces glissements de terrain lents sont principalement basées sur l'étude de quelques glissements de terrain dans des environnements naturels - généralement situés dans des pays à revenu élevé/à latitude élevée (par exemple, les Alpes). Par conséquent, notre compréhension générale de la façon dont des contraintes externes, par exemple typiques des tropiques telle que l'urbanisation informelle, affectent les processus de glissement de terrain reste très limitée.

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Le grand glissement de terrain à Bukavu en 1959 (à gauche) et en 2018 (à droite). La ligne pointillée jaune délimite la partie supérieure du glissement de terrain. L'escarpement très raide qui délimite cette partie du glissement de terrain fait 100 mètres de haut. Photo de gauche : © MRAC ; photo de droite : © A. Dille MRAC

 

 

Les grands glissements de terrain lents, des processus naturels sensibles à l'urbanisation

Dans une nouvelle étude, des chercheurs du Musée royal de l'Afrique centrale (MRAC) quantifient pour la première fois la façon dont l'urbanisation progressive des pentes modifie la dynamique de ces glissements de terrain lents. À cette fin, ils étudient le mouvement saisonnier, annuel et multidécennal d'un grand glissement de terrain situé dans la ville de Bukavu, une ville en pleine croissance située dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Considérée comme un havre de paix dans une région où de violents conflits ont forcé des milliers de personnes à se déplacer au cours des dernières décennies, la ville de Bukavu est comme de nombreuses villes des tropiques confrontée à une croissance rapide et informelle de sa population. Établie à l'origine le long des rives du lac Kivu, la ville s'est progressivement étendue sur les versants abrupts - et sujets aux glissements de terrain - du rift du Kivu. Aujourd'hui, environ un tiers de la ville est construite sur de grands glissements de terrain profonds.

Cette recherche a été menée dans le cadre du projet MODUS, un projet STEREO-III financé par Politique scientifique fédérale (BELSPO), et coordonné par le Musée royal de l'Afrique centrale.

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